HISTOIRE
DE L’ANCIENNE SARSINA
Les
sources de l’histoire ancienne (Polybe, Livius, Pline, Martial) et les
découvertes archéologiques, en tout premier lieu les textes épigraphiques
des monuments publics et sépulcraux, ont permis d’esquisser dans les
grandes lignes l’histoire du municipe romain de Sarsina (Sassina).
Au IV siècle av. J.C. des populations ombriennes (Umbri Sapinates), déjà
présentes dans la vallée du fleuve Savio à partir du VI° siècle, créèrent
la première implantation fixe sur la région de la ville actuelle.
Elles occupèrent ainsi la terrasse fluviale
qui dominait la vallée du fleuve Savio, une importante liaison
naturelle entre la plaine du Pô et les côtes de l’Adriatique au
nord, le Casentino et la Vallée du Tibre au sud et la vallée du
Marecchia à l’est.
Les traces du noyau urbain, attenant à l’actuelle Piazza Plauto (région
de l’ancien Séminaire), qui se composait de bâtiments modestes en
bois avec petites installations artisanales annexes, remontent à la
deuxième moitié du IV siècle av. J.C.
En 266 av. J.C. Sarsina, après deux campagnes militaires astreignantes,
fut soumise aux Romains, qui assurèrent tout de même à la ville une
certaine autonomie, en lui conférant le statut
de civitas foederata (ville alliée).
A la suite de cela en 225 av. J.C., pendant la guerre entre Gaulois et
Romains, les Sassinates fournirent avec les Ombriens 20.000 soldats aux
Romains.
C’est justement dans cette période (254 av. J.C.) que se place la
naissance du grand auteur dramatique et poète Tito Maccio Plauto.
Pendant les décennies centrales du I siècle av. J.C. la ville, désormais
intégrée à l’intérieur de l’Etat romain en tant que municipium,
fut réorganisée du point de vue urbaniste et architectural, et fut douée
aussi d’une enceinte de murailles solide.
Fondamentale pour son organisation sociale et économique fut la présence
des "liberti” (les affranchis), souvent d’origine orientale,
qui, après être devenus catégorie d’entrepreneurs, contribuèrent
à revitaliser la ville.
A l’époque d’Auguste le municipe fut inséré dans la
circonscription administrative de la Regio VI (Ombrie) au lieu de la
Regio VIII (Emilie), en confirmation de son origine ombrienne.
A l’époque impériale, jusqu’au III siècle apr. J.C., Sarsina
connut un essor remarquable, axé sur une économie solide de type
sylvicole - pastorale et sur les rapports commerciaux avec le port de
Ravenne. Les allusions à la présence des corporations des
forgerons (artisans) des "centenari" (fabricants en tissus) et
des "dendrophori" (charpentiers) aussi bien que des "muliones"
(muletiers) à l’intérieur des textes sépulcraux témoigne du
chiffre d’affaires des différentes activités.
Pendant la période finale du III siècle apr. J.C., Sarsina fut
violemment ravagée, peut-être par des populations barbares, comme le témoignent
des signes évidents d’incendie qui ont été relevés sur les
carrelages en mosaïque de certaines habitations. Par la suite la ville
connut une période de décadence et de stagnation des implantations.
Entre le III et le IV siècle elle eut son premier évêque, devenu par
la suite le saint patron de la ville. D’autres incursions, menées
peut-être par les Visigoths et par les Hérules, remontent à la période
entre 409 et 470, alors qu’en 757 la ville fut assujettie à l’Exarchat.
Au X siècle la Cathédrale romane fut bâtie et servit de noyau autour
duquel la ville continua de graviter.
LES
DECOUVERTES EN VILLE
L’ancienne
Sarsina se bâtit et se développa dans la même région occupée par la
ville actuelle.
Comme pour tous les centres urbains pluristratifiés, les occasions de
recherches archéologiques relèvent presque toujours des opportunités
offertes par les travaux d’urbanisme ou du bâtiment. Par conséquent,
les fouilles sont soumises aux bornes des structures plus récentes, qui
se superposent en empêchant ainsi de rechercher en entier les ruines
sous-jacentes.
Malgré cela, les différentes découvertes archéologiques accomplies
au fil des années dans nombre de secteurs de la ville, visualisées
dans le plan ci-joint, ont permis de reconstituer, dans les grandes
lignes, l’aménagement urbaniste de Sarsina dès sa fondation.
Des recherches archéologiques menées aux années ’80 dans la région
de l’ancien Séminaire ont mis au jour
certaines ruines structurelles de la
première implantation fixe de phase ombrienne (IV siècle av.
J.C.), composée de cabanes en bois et de petites installations
productives et artisanales annexes (n. 1); les stratifications trouvées
dans d’autres secteurs de la ville ont confirmé son développement
dans la même région occupée par la ville romaine (nn. 2-6)
Au I siècle av. J.C., suite à l’acquisition du statut de "municipium",
un renouvellement urbaniste important fut amorcé, en se fondant sur un
aménagement spécifique et sur un partage régulier des espaces.
Le plan d’aménagement s’axa sur un réseau de voies composé d’axes
presque tous rectilignes qui se croisaient orthogonalement (n. 7),
attesté par les ruines de pavés et de trottoirs ou bien suggéré par
le tracé de grands réseaux d’égouts en dalles de grès (l’une
desquelles est encore visible au centre de la salle). Les isolés, de
forme rectangulaire, étaient de différentes ampleurs pour s’adapter
aux variations altimétriques du terrain, en engendrant au nord une
organisation en gradins, qui obtint l’effet scénographique voulu.
Pendant les 25 suivantes années du même siècle la ville fut ceinte de
murailles en blocs de grès (n. 8), érigées dans un but défensif et
en tant que délimitation du territoire.
Le centre social et politique de la ville était le forum, calqué
seulement en partie par l’actuelle Piazza Plauto (n. 9). Située au
croisement des deux axes routiers de l’ancienne voie de Sarsina, qui
amenait dans la ville, la place allait du nord au sud pour 120 mètres,
avec un développement allongé. Du moins deux niveaux de pavement ont
été mis au jour: le premier, en dalles de grès, remonte à l’époque
républicaine; le deuxième, en dalles de marbre de Vérone
soigneusement équarries et disposées avec une grande régularité,
date de la moitié du I siècle apr. J.C. Autour du forum gravitèrent
les ensembles publics, civils et religieux les plus importants de la
ville, tandis que les maisons se distribuèrent dans les différents
isolés.
Parmi les édifices publics, les ruines les plus évidentes sont celles
qui ont été trouvées encore une fois dans la région de l’ancien Séminaire,
qui se superposèrent entre la fin du II siècle av. J.C. et la première
époque impériale aux ruines de phase ombrienne : elles sont
rapportables à un édifice à caractère commercial, peut-être à un
marché (n. 10).
La basilique ou la curie (centres d’administration de la justice) se
dressaient peut-être dans le secteur nord-oriental, mais les traces découvertes
sont seulement indiciaires. Il faut ajouter les deux ensemble thermaux,
même s’ils ne donnaient pas sur le forum: l’un dans la région de (suit
9)
l’ancien Foro Boario (Forum des bœufs), dressé sur les ruines
d’une "domus"
républicaine qui, par la suite, fut entièrement restructurée et
agrandie (n. 11); l’autre près de la via Linea Gotica (n. 12).
Un renouvellement de l’aspect public de la ville, qui date de la fin
du I siècle – début du II siècle apr. J.C., a été confirmé par
nombre d’épigraphes avec dédicace à Nerva et Trajan, liées
à des monuments honoraires érigés en faveur de la famille impériale
dans un moment où le milieu local devait bénéficier d’une vivacité
civile et économique particulière (salle VI).
Parmi les édifices de culte il est possible d’en reconnaître un dans
les ruines de moulures architecturales, colonnes et autres matériaux,
datables pour la plupart au I siècle av. J.C., découverts dans la région
de l’ancien terrain de jeu (n. 13). De la même région viennent aussi
des ex-voto en bronze du III siècle av. J.C., appartenant à un lieu
votif et indices de l’existence d’un lieu de culte précédent de
tradition ombrienne.
Les ruines mise au jour près de la ruelle Aurigemma, pas loin de la
borne nord-orientale du forum (n. 14) se référent
à un deuxième édifice de culte. Elles attestent l’existence
d’un ensemble monumental, un "donario"
qui donne directement sur la place, voué à des divinités différentes
du panthéon olympique et italique au début du II siècle apr. J.C. par
Cesio Sabino, riche citoyen de Sarsina.
Un dernier ensemble monumental de relief s’érigeait dans le quadrant
sud-occidental de la ville (n. 15) ; les structures trouvées
seraient à attribuer, sur la base de l’iconographie des statues découvertes
sur le terrain,
à un sanctuaire dédié aux cultes orientaux.
Pour ce qui est de l’industrie du bâtiment, Sarsina a offert nombre
de témoignages – datables entre le I° siècle av. J.-C. et le II°
siècle apr. J.-C. – constitués dans la plupart des cas de fragments
architecturaux ou de sections isolées de pavements (voire les triangles
du plan).
Par contre, les deux ensembles découverts au sud de via Finamore – (nn.
16-17) et dans l’ancien Foro Boario (Forum des bœufs), situé à côté
du Musée (n. 18) se distinguent. A partire des ruines structurelles
mises au jour, il en résulte que la conformation de ces maisons est
dans la ligne de la typologie traditionnelle de la "domus"
italique, axée sur la présence d’un atrium avec un puits.
Entre la fin du II° siècle et le début du III° siècle apr. J.-C. à
l’intérieur des "domus"
de via Roma les pièces les plus représentatives, probablement les
tricliniums (salles à manger), furent pavées par le biais de mosaïques
de valeur avec des figures polychromes à thème dionysiaque (salle V et
E) ; les maisons furent détruites par un incendie qui, à la fin
du III° siècle apr. J.-C., ravagea un quartier entier de Sarsina,
lequel ne fut plus reconstruit, ce qui constitue un indice – parmi
d’autres - de la crise d’implantation de la ville.
Dans d’autres secteurs périphériques des maisons généralement plus
modestes furent bâties, parfois doublées ou flanquées par des
structures artisanales, documentées par des vasques, des fours et des
fours à briques (n. 19-23) ; ces activités, gérées probablement
par des familles, de concert avec d’autres établissements commerciaux,
devaient intégrer de façon efficace l’économie locale,
traditionnellement liée à une productivité florissante de type
sylvicole-pastorale.
LE
MUSEE ARCHEOLOGIQUE
Le
Musée Archéologique National de Sarsina, dans sa structure actuelle,
est le résultat des travaux structurels et du rangement successif qui
ont été mis en œuvre pendant les 15 dernières années, après de
nombreuses phases d’agrandissement qui se sont succédées au fil du
siècle successif à sa fondation.
En effet, le premier noyau expositif du Musée, appelé “M.A.
Plauto", fut crée en 1890, sous l’initiative de l’Administration
Municipale, par l’archéologue Antonio Santarelli de Forli. A l’intérieur
des deux premières salles actuelles fut ainsi aménagée une collection
riche en inscriptions d’époque romaine, à caractère public et funéraire,
provenant de découvertes occasionnelles qui se sont produites au fil
des siècles aussi bien dans la ville que dans le faubourg. Ces pièces
avaient été collectées, dès le XVII siècle, par les spécialistes
et les amateurs d’histoire locale, premièrement par Filippo Antonini,
érudit canonique de Sarsina auquel nous devons la première description
organique de 35 documents épigraphiques qui à l’époque étaient
conservés à l’intérieur de la Cathédrale ou chez des particuliers.
Par la suite toutes les ruines archéologiques trouvées au cours de
nombre d’explorations menées à l’intérieur de la ville convergèrent
régulièrement dans le Musée et la première physionomie de l’agglomération
commença ainsi à se dessiner.
Mais la collection doit beaucoup de son lustre aux pièces découvertes
dans la nécropole romaine de Pian di Bezzo,
régulièrement explorée de 1927 jusqu’à 1939.
En raison du caractère extraordinaire et de l’état de conservation
de ses monuments funéraires imposants, il fut nécessaire d’augmenter
les espaces expositifs pour les placer à l’intérieur du Musée ;
ces espaces furent obtenus, même si de façon inadéquate par rapport
aux exigences, à l’intérieur
de l’édifice même, en occupant au fur et à mesure entre 1927 et
1950 toutes les pièces du rez-de-chaussée. Dans ces années le travail
de Traiano Finamore, Conservateur Honoraire du Musée jusqu’aux années
’70 fut extrêmement précieux, étant donné qu’il a dirigé toutes
les phases de la reconstitution et de la mise en musée des différents
monuments funéraires.
L’édifice, qui fut acquis par l’Etat en 1957 et prit le nom de
"Musée Archéologique de Sarsina", fut agrandi grâce
à la construction d’une nouvelle salle au rez-de-chaussée (actuelle
salle V) et grâce à l’occupation progressive du premier plan. Entre
1966 et 1976 le Musée fut aménagé à nouveau par Gino Vinicio
Gentili, Antonio Veggiani et Giancarlo Susini, auquel revint
notamment le mérite d’avoir étudié et interprété
constamment tout le patrimoine épigraphique de Sarsina, source primaire
pour la reconstitution de l’histoire politique et sociale de la ville.
Enfin, aux années ’80, toujours grâce à la coopération de la
Mairie de Sarsina, la Direction Générale des Biens Archéologiques de
la Région Emilie Romagne a mis en œuvre un autre agrandissement des
espaces expositifs (salle du mausolée de Rufo); ce réaménagement,
organisé sous la direction scientifique de Jacopo Ortalli, a permis de
reconstituer intégralement
les monuments funéraires romains les plus importants, précédemment
disloqués, en créant ainsi l’aménagement actuel des collections.
LES
FOUILLES DE PIAN DI BEZZO
Dans
l’histoire de l’archéologie de Sarsina la place d’honneur revient
sûrement aux fouilles qui ont mis au jour la nécropole romaine la plus
importante et l’une des plus significatives – en raison de la
typologie des monuments sépulcraux – de l’Italie du nord.
Entre 1927 et 1933
des campagnes de fouilles systématiques, menées par la
Direction générale archéologique de la Région Emilie Romagne et
dirigées par Salvatore Aurigemma, permirent de découvrir un secteur de
la nécropole romaine qui s’était développée à partir du I° siècle
en localité Pian di Bezzo. Cette région se trouve à moins de deux
kilomètres en ligne droite du centre-ville, le long d’une partie de
l’ancienne voie du fond de la vallée qui conduisait dans la plaine,
sur la rive droite du fleuve Savio.
Au début du III° siècle apr. J.-C. un éboulement, engendré peut-être
par un tremblement de terre, obstrua le cours du fleuve et causa l’inondation
de toute la région, laquelle
fut vite submergée par plusieurs mètres de sédiments
alluvionnaires qui ont protégé les tombeaux pendant des siècles. Par
la suite l’affouillement du fleuve a mis au jour, au fil des siècles,
des pierres tombales et des pièces architecturales de monuments funéraires
qui ont en suite convergé dans la première collection du musée et qui
ont fourni des indices fondamentaux pour localiser la région à
explorer.
La décision de faire des recherches systématiques fut déterminée par
les travaux pour la construction d’un barrage artificiel mise en plan
par la Société Hydroélectrique du Haut Savio, suite auxquels toute
autre recherche aurait été entravée.
Les explorations de la région commencèrent ainsi et s’étalèrent
sur à peu près trois-mille mètres carrés.
La première campagne de fouille mit au jour tout de suite les ruines du
Mausolée de Rufo et décela la présence inédite de la voie le long de
laquelle les sépultures étaient situées.
Comme suite à cette découverte, une autre série de campagnes de
fouilles fut amorcée et parallèlement débutèrent les premiers
travaux de restauration des grands monuments et l’agrandissement des
espaces expositifs du Musée, ainsi que la reconstitution, à l’intérieur
du jardin public de Sarsina, du Mausolée de A. Murcio Obulacco.
Après deux sondages ultérieurs en 1939 et en 1951, qui confirmèrent
l’absence d’autres sépultures monumentales, entre 1981 et 1984 la
Direction générale, sous la direction de Jacopo Ortalli, reprit l’exploration
d’un secteur situé environ 30 mètres à l’est par rapport à la région
monumentale, un peu au-delà de la limite des anciennes fouilles. On a
ainsi découvert une autre partie de la voie en galets fluviaux, longée
au sud par un fossé d’écoulement qui la séparait du champ où une
vingtaine de sépultures a été trouvée – presque toutes crémations
dans une fosse - et où trois stèles ont été récupérées.
La méthodologie moderne de recherche stratigraphique a permis en outre
de rassembler toute une série de données sur le rituel funéraire, en
parachevant de la sorte la connaissance d’aspects fondamentaux pour la
compréhension du contexte sépulcral dans son ensemble.
La
reconstitution des monuments funéraires exceptionnels de la nécropole
de Pian di Bezzo, visibles aujourd’hui dans leur intégralité, est le
résultat d’un travail laborieux de restauration et d’intégration,
commencé déjà pendant les campagnes de fouille, poursuivi au moment
de leur premier emplacement dans le Musée (bien que désassemblés en
plusieurs parties en raison des espaces inadéquats à disposition) et
achevé par la phase expositive actuelle.
Préliminaires et fondamentales pour une recomposition correcte des
parties conservées et pour l’intégration des parties manquantes ont
été les études soigneuses des monuments encore sur place et les
restitutions graphiques successives par Traiano Finamore, dessinateur de
la Direction générale pendant les fouilles et puis Conservateur
Honoraire du Musée de Sarsina jusqu’à 1970.
Pourtant les monuments mis en musée ne purent pas se montrer dans leur
intégralité jusqu’aux années ’90, exception faite pour le Mausolée
d’Obulacco, reconstitué déjà dès les années ’30 dans le jardin
public de la ville et devenu par la suite monument commémoratif aux
Morts de la guerre.
Par conséquent les dessins de Finamore furent les premières et pendant
longtemps les seules références interprétatives pour saisir la
typologie d’expressions et des coutumes funéraires parmi les plus
singulières et significatives de la région.
La reconstitution du Mausolée de Rufo et du monument en dé de Verginio
Peto a été menée à terme grâce aux travaux d’agrandissement qui
ont déterminé l’exposition actuelle et qui ont été rendus
possibles par la cession du terrain de la part de la Mairie.
Pendant les phases complexes de rassemblement les dessins de Stanislav
Kasprzysiak et les restaurations de Uber Ferrari ont été aussi
fondamentaux.
TOPOGRAPHIE
DE LA NECROPOLE
Dès
l’époque républicaine l’interdiction d’enterrer les morts à
l’intérieur des agglomérations détermina, dans le plan d’aménagement,
la disposition des cimetières à l’extérieur des villes.
Les lieux préférentiels devinrent alors les tracés des principales
voies d’accès à la ville, le long desquelles les sépultures,
notamment les monumentales, se situaient. L’emplacement des tombeaux
par rapport à la voie, aussi bien que leur valeur architecturale et épigraphique,
exprimaient en effet la volonté d’auto célébration manifestée par
les particuliers dans l’action de faire ériger leurs propres
monuments: derrière ceux-ci étaient situées les sépultures plus
modestes, presque toujours dépourvues de signaux de reconnaissance en
dehors de la terre.
A l’intérieur d’une nécropole ces dernières étaient sûrement en
majorité puisque l’intention commémorative confiée au tombeau
caractérisa une période assez limitée et ne concerna que des
personnes d’une certaine classe sociale.
Généralement les tombeaux les plus anciens occupaient la partie de
voie la plus proche de la ville; en même temps des noyaux de tombeaux
rapprochés, même si de deux époques différentes, pouvaient exprimer
l’appartenance au même noyau familial ou bien à des groupements
sociaux.
A Sarsina ces choix distributifs sont bien reflétés, si l’on considère
l’emplacement des nécropoles romaines qui ont été mises au jour.
Pourtant les deux régions, respectivement au nord et au sud du réseau
routier extra-urbain, différaient: dans la première, explorée
seulement en partie, on a trouvé de simples sépultures à fosse,
tandis que la nécropole méridionale de Pian di Bezzo s’est manifestée
dans toute sa disposition scénographique.
Selon toute probabilité cette région avait été privilégiée parce
qu’elle était relativement plate et entourée d’un cadre naturel
agréable, avec des zones de végétation qui léchaient les tombeaux.
Les fouilles systématiques ont mis en relief, le long de la voie
gravillonnée, la distribution d’architectures sépulcrales
prestigieuses et imposantes, entremêlées par stèles et autels funéraires.
Les tombeaux les plus monumentaux, datables entre la fin du I siècle
av. J.C. et la première moitié du I siècle apr. J.C. – période
pendant laquelle les classes dirigeantes locales se sont affirmées le
plus - se
concentraient dans quelques dizaines de mètres, adossés à la voie.
Dans la bande située derrière, par contre,
l’importaient les sépultures plus modestes, sans relief
monumental. Pendant le I e le II siècle apr. J.C. la région continua
à être fréquentée et la partie de voie plus en aval fut
progressivement occupée ; en même temps les typologies sépulcrales
furent ramenées à de plus justes proportions, en parallèle avec le
nivellement social et le changement idéologique envers la sépulture,
qui n’était plus considérée en tant qu’outil d’auto célébration.
La nécropole de Pian di Bezzo a enfin documenté des rassemblements de
dépositions pour des noyaux familiaux, comme le témoignent les sépulcres
contigus au monument de Verginius Paetus outre le noyau tombal des
Murcii.
Un autre rassemblement significatif qui remonte à la fin du II siècle
apr. J.C. est celui des morts appartenant au "collegium
des muliones",
reconnu grâce à une stèle qui a été trouvée à l’intérieur du
dernier secteur exploré, érigée à côté de la voie, qui rappelle
justement le lot sépulcral (locus) destiné aux muletiers de Sarsina.
TYPOLOGIE
DES SEPULCRES
La
monumentalisation du "locus
saepolturae"
fut considérée pendant longtemps un moyen efficace de communication
sociale.
La forme, la taille, l’appareil figuratif des monuments sépulcraux
honoraient la mémoire du mort et mettaient en exergue le rang qu’il
avait quand il était en vie.
La nécropole de Pian di Bezzo se distinguait pour sa diversification
extrême des sépultures.
Pas moins de 25 tombeaux sur 92 au total présentaient des formes de
monumentalisation différentes:
-
un
sépulcre de briques avec chambre hypogée et couverture voûtée;
-
un
monument à tambour cylindrique avec une base carrée de cailloux et un
corps rond recouvert de briques (fig. A n. 6);
- deux monuments en dé en dalles de grès cubiques, décorés par une
frise dorique; l’un est incomplet et non récupéré (fig. A n. 4 ),
l’autre est le monument de Verginio Peto reconstitué dans la salle IV
(fig. A n. 7);
- cinq mausolées en édicule avec une pointe pyramidale composés de
trois corps architecturaux distincts : un dé de base encadré; une
structure médiane à cellule de temple et une porte fausse ; une
couverture pyramidale surmontée d’une urne cinéraire fausse soutenue
par un grand chapiteau. Parmi les cinq mausolées de la nécropole,
pourcentage très élevé par rapport aux autres types, deux ne sont
documentés que par certains éléments architecturaux (salle IV); par
contre le monument imposant de Rufo, haut 14.13 m. et reconstitué dans
la nouvelle aile de la salle V, est précieux.
Un autre exemplaire estimable est le mausolée de Obulacco, reconstitué
entre 1936 et 1938 dans le jardin public à l’entrée de la ville,
alors que du mausolée de Oculatio, fils de Obulacco – inachevé –
on ne conserve que la base dans la salle V.
Le type, de dérivation hellénistique et largement attesté en
plusieurs domaines du monde romain, mettait en exergue le maximum d’intention
commémorative et de héroïsation du mort (fig. A
nn. 3 e 5).
Outre les grands monuments on a récupéré aussi plusieurs types de
symboles tombeaux, tels que les autels, les cippes et les stèles, selon
des modèles largement diffusés pendant la première époque impériale.
Les stèles à porte et à édicule en particulier sont dignes d’admiration
(fig. B nn. 5,7,9,11 et 12).
L’inscription, gravée sur la façade des différents édifices funéraires,
était une constante pour tous les types et contenait toujours les données
anagraphiques du mort, souvent suivis du nom de ceux qui avaient mis en
oeuvre la sépulture. D’autres données pouvaient par contre varier :
de simples formulaires avec
des sigles et des abréviations, des remarques sur l’emploi ou bien
les charges civiles et militaires, des expressions affectives.
Parmi les nombreuses inscriptions sépulcrales de Sarsina, qui ont été
une source primaire pour la connaissance des anciens habitants, le
testament gravé sur l’autel de Cetrania Severina (salle I) et la
prescription sépulcrale sur le cippe de Oratio Balbo (salle III) revêtent
une importance particulière
en tant que témoignage de règles juridiques de droit privé (fig. B n.
14).
Pendant le II siècle apr. J.C., suite à l’émergence des nouvelles
croyances religieuses d’origine méditerranéenne et orientale, les sépultures
à fosse, aussi bien les inhumations que les crémations, se servirent
souvent de simples cailloux ou de tas de pierres en tant qu’éléments
extérieurs: ceux-ci, tout comme les cols des amphores émergeant
de la sommité de la fosse, permettaient de reconnaître
en surface les différentes sépultures pour pratiquer les rites
funéraires périodiques.
LES
RITES FUNERAIRES ROMAINS
A
la fin du I siècle av. J.C., après la romanisation du territoire régional,
le culte funéraire subit d’importantes transformations. La pratique
de l’inhumation, typique des populations italiques, fut abandonnée en
faveur de l’incinération, diffusément adoptée à Rome.
L’inhumation s’affirma à nouveau pendant la seconde moitié du II
siècle, par suite de transformations d’ordre religieux, même si les
deux rituels purent vivre ensemble, liés à la coutume et aux croyances
de chacun.
Le rituel de l’inhumation était le plus simple: le cadavre était déposé
sur le dos, parfois dans une caisse en bois, à l’intérieur de la
fosse creusée dans le terrain; parfois il pouvait être protégé par
des structures de couverture avec de grandes plaques ou des tuiles
disposées en double peinte (couverture "à
la cappuccina")
ou bien dans des caisses en briques ou plus rarement dans des
sarcophages en marbre.
Le cérémonial de l’incinération était plus compliqué et prévoyait
deux typologies différentes:
-
crémation
directe (bustum); le mort, déposé sur une cloison de planches en bois
ou sur un lit funèbre et souvent assorti d’objets personnels ou de
bijoux, était brûlé à l’intérieur de la fosse; les restes du
brasier étaient fréquemment recouvrés par des briques. Dans certains
cas on pouvait accomplir l’"ossilegium",
à savoir le triage des os réunis en suite dans l’urne cinéraire,
qui restait tout de même à l’intérieur de la fosse;
-
crémation
indirecte; ce rituel présupposait par contre l’existence d’une
place spéciale, l'"ustrinum",
où on allumait le bûcher pour le brasier funèbre; une fois le cadavre
brûlé, les os calcinés étaient réunis et transférés dans le
tombeau. Si l’on disposait d’un puisard ou bien d’une caisse en
briques, outre les os il était possible de transférer même une partie
des cendres. Si par contre les os étaient réunis dans une urne cinéraire,
ils étaient sélectionnés du reste de la combustion et parfois même
lavés.
Certains types de monuments pouvaient abriter à l’intérieur, dans
une cellule spéciale, les urnes avec les cendres des morts; les
monuments de Sarsina, par contre, devaient seulement mettre en relief le
lieu de la sépulture, tandis que l’urne était enterrée et parfois
renfermée par des blocs de grès superposés (exemplaires à côté du
monument de Peto).
Le rituel de la sépulture prévoyait aussi la déposition du trousseau,
distribué dans la fosse et diversifié selon les richesses du mort.
Parmi les différents objets, le plus souvent de la vaisselle de
plusieurs types, se répétaient surtout: la monnaie, en tant que
“obole de Charon“; la lampe à huile pour éclairer le voyage dans
l’au-delà; le conteneur de baume en verre pour les onguents.
Des objets plus personnels, diversifiés selon le sexe, pouvaient par
contre être portés par le mort dès les funérailles.
Dans la nécropole de Pian di Bezzo, où les crémations représentent
89% des sépultures, la fouille des années ’80 a permis de reconnaître
certaines pratiques funéraires effectuées pendant et après les funérailles
(funus) en correspondance des tombeaux. Sur le terrain on a en effet détecté
de nombreux amoncellements de matériaux liés au rituel officié par la
parenté du mort : banquet funèbre (silicernium), offrandes,
libations collectives, actes purificatoires (profusiones), morceaux d’aliments,
vaisselle pour la table, lampes à huile éparpillées tout autour des
fosses.
LES
DIVINITES ORIENTALES
Le
culte des divinités orientales se manifesta dans le monde romain
surtout pendant le II siècle apr. J.C., une période d’éclectisme
religieux et d’adhésion favorable de la part de la dynastie impériale.
L’intensité des rapports commerciaux et culturels avec Ravenne, base
de la flotte romaine qui tenait garnison à Classe et dont l’équipage
se composait souvent de
marins levantins fidèles à ces dieux, peut amplement en
justifier la présence à Sarsina, où le culte est représenté de manière
significative par six divinités, dont deux appartenaient au cycle de la
Phrygie/Anatolie et quatre au cycle égyptien. Les ateliers de
fabrication devraient être recherchés dans Rome même ou mieux dans la
région orientale, comme il a été documenté par les huit blocs séparés
qui composent le Sérapide, numérotés par des lettres de l’alphabète
grec pour pouvoir être montés en lieu. Les statues, complètement
fragmentées, furent découvertes à l’occasion des travaux de fouille
accomplis en 1923 en vue de bâtir l’"Hôpital"
(devenu par la suite une maison de retraire en via Barocci). On pourrait
peut-être supposer que le lieu de la découverte coïncidait avec le
site premier des édifices de culte auxquelles les statues appartenaient,
en raison des indices offerts par certaines structures mises au jour,
telles que maçonneries, piliers, fûts de colonnes et chapiteaux
corinthiens, dalles en marbre. A partir de signes évidents d’endommagement
sur plusieurs morceaux de sculptures on a mieux compris l’intentionnalité
de leur destruction, accomplie peut-être à l’époque chrétienne.
Probablement les statues, transportées en dehors des cellules du temple,
furent détruites à coups de massue, ce qui détermina l’émiettement
et la perte de morceaux entiers. Pourtant, même si leur caractère
fragmenté en diminue la valeur artistique, il a été possible de
reconnaître les traits et de reconstituer les statues
de Cybèle, la grande mère des hommes et des animaux, avec Attis,
le jeune berger au bonnet phrygien, amoureux d’elle, appartenant tous
les deux au culte asiatique. L’identification de certaines divinités
du groupe égyptien a été plus contestée, mais on a reconnu avec
certitude Sérapide (à savoir Pluton) qui caresse le chien Cerbère.
Il faudrait par contre réviser l’identification des autres statues;
Harpocrate, Mitre et Anubis (divinité égyptienne à la tête de chien).
La récupération d’une tête féminine parmi les matériaux du musée,
qui a été trouvée dans la même fouille – précédemment considérée
disparue et qui donc n’a pas été prise en considération au moment
de la restauration – a permis de songer à son appartenance à la
statue drapée qui se trouve à côté de la statue de Sérapide. Par
conséquent cette figure ne devrait plus être considérée en tant que
représentation du dieu Anubis – sur la base de l’insertion du
visage en forme de chien suggérée par la restauration – mais plutôt
la représentation de la déesse Isis, déjà suggéré entre autre par
l’iconographie des vêtements (chiton et himation) e par la présence
de la situle. Si l’on accepte cette dernière hypothèse, l’on
pourrait alors parachever le cycle des statues égyptiennes, en
reconstituant la triade canonique qui regroupe Sérapide, Isis et le
jeune Harpocrate (morceau de statue aux pieds d’enfant). A ces trois
statues on pourrait associer aussi le dieu Anubis (morceau de statue à
la tunique courte); seule le dieu Mitre, souvent suggéré mais qui
n’a jamais été identifié avec certitude, ne ferait pas partie du
saint ensemble.
L’ENCEINTE DE MURAILLES
Les
murailles étaient les premiers éléments qui, de concert avec le
tracement des routes et la mise en place des égouts, caractérisaient
la région urbaine, en en régulant le périmètre et en en soulignant
l’ampleur. En raison de sa connotation particulière d’"enclos"
à l’intérieur duquel la ville se développait, l’enceinte de
murailles faisait fonction d’instrument aussi bien de défense que de
prise de possession d’un lieu, par le biais de la définition de
limite sacrée et inviolable du "pomerium"
(la frontière sacrée de la ville).Sur la base de certaines
inscriptions nous savons qu’à Sarsina dans la première moitié du I
siècle av. J.C. certaines parties de l’enceinte de murailles, même
de 1000 pieds de longueur (un peu moins que 300 mètres) furent bâties
sur l’initiative des plus grands magistrats de la mairie.
L’enceinte de murailles avait une forme presque trapézoïdale aux côtés
de 200 x 400 mètres et était réalisée en tant qu’œuvre carrée en
blocs de grès.
Les inscriptions exposées sur les murs, qui faisaient allusion à la
construction d’un "murus" et à la présence de "turres"
(tours) et "portae" (portes) avec des valves, sont presque
toutes contemporaines, ce qui témoigne de l’engagement mis en cette
œuvre, mise en projet avec un seul plan d’ensemble.
La construction de l’enceinte de murailles ne fut pas déterminée
seulement par des nécessités de défense, mais peut-être aussi par le
désir de décorer la ville qui, en raison de son emplacement sur des étagements
parallèles à la vallée, devait ainsi se charger d’une forte valeur
scénographique.
Certainement la conscience de cette valeur architecturale était présente,
étant donné que sur une dalle qui faisait partie des murailles on fait
allusion au nom de l’"architectus",
dont on ne conserve malheureusement pas le nom.
Par contre le patronymique du magistrat est bien lisible, Cesellius, qui
en arrêta la construction.
Certains morceaux de l’enceinte de murailles d’époque romaine sont
encore présents le long du côté oriental de l’agglomération en via
Matteotti (cfr. planim. n..), en dessous de la courtine de murailles du
Moyen-age des "Torricini", et dans le "Parco delle
Rimembranze" (cfr. n. 9), tandis que l’embasement d’une tour se
trouve en via Guerrin Capello (cfr. n.) en dessous de ce que l’on
appelle "Maison de Plaute". Dans l’édifice, bien que
largement remanié en époque médiévale, les fondations d’une tour
de 7,50 x 8,70 mètres de côté, avec une courtine de murailles de plus
que un mètre d’épaisseur, sont encore claires.
Moins certain est le cours des murailles le long des côtés occidentaux
et septentrionaux de la ville. Pour ce qui est des nombreuses ruines
signalées le long des pentes du coteau de Calbano, à l’ouest de la
ville, malheureusement il n’est pas facile d’établir s’il s’agit
de remplois ou bien de la trace effective d’une structure de défense
d’époque romaine. |